Depuis plusieurs années, la Ligue d’Île-de-France de natation (LIFN) s’attache à déployer sur l’ensemble du territoire deux programmes respectivement intitulés Aisance aquatique, porté par le ministère des Sports, et J’apprends à nager, formalisé par la Fédération française de natation (FFN). L’un et l’autre sont destinés à éradiquer les accidents aquatiques souvent fatals dont sont victimes les plus jeunes parce qu’ils ne possèdent pas les rudiments gestuels qui les auraient fait échapper à la noyade.
Pour quoi faire ?
« On veut éviter de compter nos morts au bord des piscines, des plages ou des cours d’eau, en particulier l’été », assène Lazreg Benelhadj, Président de la Ligue d’Île-de-France de natation (LIFN). La terminologie n’a, hélas, rien d’exagéré tant ces drames continuent d’alimenter la rubrique des faits divers… évitables.
D’où la mise en place d’un enseignement gratuit, au mode opératoire standardisé, destiné à « donner toutes les bases aux enfants pour qu’ils soient en sécurité dans l’eau », résume-t-il. L’idée est qu’ils soient capables, selon la configuration du lieu, soit de rejoindre le bord, soit d’attendre qu’une personne vienne leur porter assistance. Ce qui, concrètement, implique d’accepter d’avoir la tête sous l’eau ou de recevoir des projections sur le visage sans paniquer. « Le but est qu’ils comprennent qu’il suffit de s’allonger sur le dos et de battre des pieds pour se déplacer, détaille Lazreg Benelhadj. Pour cela, on leur fait découvrir ce qu’est leur corps en milieu aquatique, à savoir un corps flottant qui ne coule pas sauf si l’on fait ce qu’il ne faut pas faire. »
Dans un second temps, pour aller au bout de la démarche et que celle-ci fasse pleinement sens, l’idéal est que les intéressés poursuivent leur cursus en club avec, à la clef, un apprentissage en bonne et due forme des quatre nages.
Pour qui ?
Sont visés les enfants âgés de quatre à douze ans, sans distinction de revenus de leur foyer familial, qui ne savent ni nager ni flotter parce qu’ils n’ont, en temps normal, pas un accès aisé à la piscine et qu’ils ne sont pas inscrits en club. Des critères qui sont surtout récurrents dans les Quartiers prioritaires de la Ville (QPV), l’ambition affichée étant de couvrir des zones blanches jusque-là marquées par un nombre conséquent de jeunes pour lesquels évoluer dans l’eau demeure périlleux.
Toujours est-il que c’est aux clubs de déployer des process d’identification des populations ciblées et éligibles. À cette fin, « ils sont invités à se rapprocher des pouvoirs publics et des collectivités locales concernés, qu’il s’agisse des communes, des services sociaux ou des services jeunesse et sports, suggère le Président de la Ligue d’Île-de-France de natation (Lin). C’est d’autant plus l’occasion de créer un lien très fort que les clubs assument là une véritable mission de service public. » Les municipalités sont des interlocuteurs attitrés dans la mesure où la natation est, faut-il le rappeler, le seul sport obligatoire à l’école et que le primaire est de la compétence des Mairies, lesquelles sont aux premières loges pour recenser les petits qui ne sont pas à leur aise dans l’eau. À noter qu’il arrive que ce soit la collectivité locale qui prenne les devants en faisant elle-même le promotion puis en validant les candidatures après consultation de son fichier source des élèves en difficulté nautique.
Par qui ?
Il revient aux clubs, en particulier franciliens, de s’approprier cette action. Pour cela, il peuvent solliciter la Ligue qui diligentera, pour les accompagner sur le plan administratif, un agent de développement dédié.
Afin d’être inclus dans la boucle, ils sont tenus de préalablement se conformer à un cahier des charges comportant divers items qualitatifs. Ainsi, les encadrants doivent-ils être rompus aux attendus pédagogiques particuliers et, pour ce faire, avoir suivi une formation payante de plusieurs journées dispensée au sein de l’École régionale de formation aux activités de la natation (Erfan) de la Ligue d’Île-de-France. À la clef, un diplôme de Moniteur sportif de natation (MSN) leur est décerné. Ce sésame leur permet d’être un précieux rouage des dispositifs Aisance aquatique et J’apprends à nager.
Plus largement, la Ligue s’assure systématiquement que l’ensemble des prérequis est satisfait avant, en quelque sorte, de labelliser l’association sportive en question et de l’habiliter à accueillir des jeunes dans le cadre de cette opération.
Comment ?
« Encore une fois, insiste Lazreg Benelhadj, le but est uniquement de savoir flotter et se déplacer en sécurité et non de savoir nager à proprement parler. » Il s’agit donc de reproduire au plus près une situation d’urgence, en clair, savoir quoi faire quand on se retrouve dans l’eau de manière imprévue et contre son gré. C’est pourquoi, toute aide à l’enfant comme l’utilisation d’accessoires facilitants (planche, ceinture de flottaison, frite…) est proscrite.
Pareille familiarisation se décline en dix séances d’une heure, en général concentrées sur une même semaine.
Déjà bien mais peut mieux faire
Actuellement, une trentaine de clubs sur les deux-cents-cinq implantés en Île-de-France se sont appropriés cette initiative et en sont des acteurs aux allures de maillons forts. « Ce ratio est déjà satisfaisant au regard de ce que l’on a pu connaître dans le passé, se félicite Lazreg Benelhadj. Cela signifie que la mayonnaise prend. Sous l’égide de la nouvelle commission en charge du développement et du soutien aux clubs qui a été créée au sein de le Ligue, nous avons su faire passer le message aux présidents, lesquels on comprit l’intérêt qu’il y avait à s’investir. Auparavant, beaucoup se montraient frileux ou, tout simplement, ne savaient pas comment faire. Sachant qu’actuellement, les demandes sont en hausse, en particulier à cause de la crise sanitaire qui a sérieusement entravé la possibilité, pour les scolaires, de se rendre à la piscine avec leur classe. »
Consciente qu’il en va de la préservation de l’intégrité physique de ses administrés, la Région Île-de-France, par l’intermédiaire de son vice-Président chargé des Sports, des Loisirs, de la Jeunesse, de la Citoyenneté et de la Vie associative, Patrick Karam, a fait le choix fort de subventionner de façon conséquente cette cause à laquelle elle ne peut qu’être sensible. « La Région est un partenaire incontournable et essentiel, confirme Lazreg Benelhadj. Grâce à son concours, la Ligue peut, à son tour, aider les clubs en prenant en charge, en tout ou partie, la rémunération des éducateurs qui interviennent, le coût de l’assurance et de la licence ou encore, la location éventuelle de lignes d’eau. » Un prix à payer qui n’a pas… de prix.
Alexandre Terrini