Emmanuel Feltesse : « L’équitation est à la portée de beaucoup »
Le Président du Comité Régional d’Equitation d’Île-de-France (CREIF) entend rétablir l’image de la discipline, laquelle ne s’adresse pas uniquement, loin s’en faut, aux pratiquants aisés. Le Comité qu’il dirige s’évertue d’ailleurs à la rendre accessible au plus grand nombre, sans exclusivité.
L’équitation cultive les paradoxes…
Il convient tout d’abord de rappeler que si l’équitation n’est peut pas un sport très médiatique, elle est très pratiquée en France. C’est en effet, en France, la troisième fédération sportive de par le nombre de licenciés, après le football et le tennis. Au niveau de l’Île-de-France, elle rassemble 100 000 licenciés, ce qui la place en cinquième position en terme d’effectif. Ceux-ci sont répartis au sein de trois types de structures : les clubs privés ; les clubs municipaux gérés par les mairies elles-mêmes comme à Orly, Vélizy ou au Tremblay-en-France ; enfin, les clubs municipaux gérés, dans le cadre d’une délégation ou d’une concession de service public, par une entreprise privée. Par ailleurs, l’équitation comprend un ensemble de métiers en lien avec le cheval qui en fait le premier employeur du monde sportif. C’est donc un secteur pourvoyeur d’emplois, de surcroît en CDI et à plein temps.
En revanche, elle a la réputation d’être une discipline réservée aux classes sociales aisées…
Sa spécificité est que c’est le plus souvent l’utilisateur qui paie directement sa pratique. Et ce, contrairement à beaucoup d’autre sports où ce sont les collectivités locales qui assument en grande partie le coût de la pratique, qu’il s’agisse des frais inhérents à l’utilisation d’infrastructures publiques, des subventions versées aux clubs, de la mise à disposition d’encadrants etc. Toutefois, il importe de souligner qu’en ce qui concerne l’équitation, les coût sont désormais nettement moins importants que ce que le grand public imagine. En effet, il est possible, en Île-de-France, de monter une fois par semaine un poney pour 50 à 60 euros par mois et un cheval pour 80 à 100 euros. Le Comité a la volonté de rendre ce sport accessible au plus grand nombre et ce, dans tous clubs franciliens. Franchir pour la première fois la porte d’un club passe, par exemple, par des opérations de promotion que nous menons en partenariat avec la Fédération Française d’Equitation (FFE), à l’image d’ »Équitation pour tous » qui permet d’effectuer six séances pour cinquante euros.
« Le cheval, un vecteur de bien-être mais aussi éducatif »
Comment parvenez-vous à proposer de tels tarifs ?
Parce qu’il n’est pas nécessaire d’être propriétaire d’un cheval pour monter. Le cheval est mutualisé, c’est-à-dire monté par plusieurs personnes dans la semaine. C’est ce qui permet de tirer les prix vers le bas. Il est donc important de démystifier certaines choses et de battre en brèche l’idée que l’équitation est un sport d’élite qui n’est accessible qu’à certains. Aujourd’hui, elle est à la portée de beaucoup de familles issues des classes moyennes. Sachant que diverses opérations sont prises en charge par les collectivités locales, notamment celles destinées aux personnes touchées par un handicap moteur, mental ou social. Il existe une effet un réseau de clubs qui proposent des activités para-équestres avec des encadrants formés pour cela. C’est là un secteur en plein développement qui permet d’acquérir ou de se réapproprier diverses aptitudes à la fois physiques, avec la notion d’équilibre, et comportementales mais aussi des valeurs que sont le respect, la socialisation etc. En effet, si le cheval, lui, ne juge pas, face à lui, on ne peut pas tricher. C’est non seulement un vecteur de bien-être mais aussi un vecteur éducatif. D’ailleurs, des centres équestres travaillent avec le milieu pénitentiaire et amènent des chevaux dans les prisons.
Quid de l’équitation en milieu scolaire ?
Même s’il est plus difficile de trouver des financements par les collectivités locales, lesquelles ont des budgets en baisse, l’équitation scolaire existe encore, aussi bien dans les établissements publics que privés. Par ailleurs, un championnat de France scolaire a lieu chaque année, à Lamotte-Beuvron, sous l’égide de l’Union Nationale du Sport Scolaire (UNSS). Sans compter, pour ce qui est du primaire, des actions ponctuelles dans le cadre de conventions conclues entre les clubs et les communes. Sachant que l’équitation est une activité sportive agréée par l’Inspection académique du ministère de l’Éducation nationale. En revanche, la réforme des rythmes scolaires, en particulier la suppression des cours le mercredi matin, a réduit les créneaux horaires durant lesquels les clubs accueillent les élèves.
« Nous nous associons aux manifestations multisports organisées par le CROS Île-de-France »
On suppose qu’en Île-de-France, l’implantation des clubs équestres est conditionnée par la présence à proximité d’espaces verts…
Pas particulièrement. Là encore, c’est une fausse idée. En région parisienne, il y a toujours un centre équestre ou un poney club à un quart d’heure en voiture de chez soi, même dans les zones urbaines comme à Montfermeil, à la Porte de La Villette à Paris, au Parc départemental de La Courneuve ou à Neuilly-sur-Marne, pour ne citer que ces exemples. Le réseau est suffisamment dense pour assurer un maillage territorial homogène.
Quelles sont les actions de démocratisation de la discipline initiées par le CREIF ?
Depuis cette année, nous nous associons aux manifestations multisports organisées par le CROS Île-de-France, en particulier Sport en filles et Sport en mixte. L’équitation fait partie des disciplines au programme afin qu’aux yeux du grand public, elle soit perçue telle un sport comme les autres et non pas réservé à quelques-uns. Par ailleurs, nous avons mis en place, depuis un an et demi, les poneys clubs éphémères dans le cadre de grands événements comme le Salon International de l’Agriculture ou celui du Bien-être. L’idée est, là encore, de faire découvrir le poney et le cheval. Autre opération, celle intitulée « Transforme l’essai ». En effet, ceux qui ont participé à un poney club éphémère se voient remettre un certificat d’initiation au dos duquel est mentionné le poney club le plus proche du domicile de la personne et qui sera susceptible de l’accueillir dans le cadre d’une demi-journée de découverte. C’est là, en quelque sorte, une manière de casser les barrières et d’inviter chacun à franchir la porte des clubs sans se dire que l’on n’est pas de ce milieu-là. L’équitation pâtit encore de son image élitiste alors que cela n’est plus le cas. Mais trop peu de gens le savent. Nous souffrons de cette confidentialité alors que le cheval fait rêver mais est perçu comme inaccessible.
Propos recueillis par Alexandre Terrini