Le Gouvernement toujours à la baguette
A l’heure, d’une part, de la création de l’Agence nationale du Sport (AnS) et, d’autre part, de la réforme de l’organisation territoriale de l’État, laquelle modifie les conditions d’intervention des services du ministère des Sports dans les départements et les régions, il importe de préserver un point d’ancrage et d’avoir un gardien du Temple. C’est pourquoi « pour sécuriser cette nouvelle architecture, le Conseil d’État estime nécessaire de préciser que la politique publique et la stratégie nationale et internationale en matière de sport de haut niveau, de haute performance sportive et de développement de la pratique sportive pour le plus grand nombre, sont déterminées par le Gouvernement et que le rôle de l’AnS dans la mise en œuvre d’une telle politique publique s’inscrit dans le cadre de la stratégie arrêtée par l’État, précisée par une convention d’objectifs signée avec celui-ci ». En somme, justifie le Conseil d’État (CE), « la représentation du sport au niveau gouvernemental paraît indispensable pour incarner et représenter cette politique publique, sous l’autorité du Premier ministre, et pour veiller au respect des enjeux essentiels du sport ». Selon le Conseil d’Etat, il est nécessaire de mettre en place une hiérarchie claire : le Gouvernement impulse les lignes directrices, l’AnS les décline.
Ainsi, les différents acteurs nationaux que sont l’AnS, les ministères intéressés et le Comité d’organisations des Jeux olympiques et paralympiques (COJO) sont invités à unir leurs forces. « Ils pourraient être réunis chaque année afin de contribuer à la définition d’une stratégie pluriannuelle de développement des pratiques sportives et de soutien au sport de haute performance, suggère le CE. Cette réunion devrait relever d’une instance de pilotage politique, à un niveau qu’il appartiendrait au Gouvernement de définir. »
Sachant que l’avènement de l’Agence nationale du sport devrait avoir comme conséquence de revisiter « les missions de la Direction des sports, dont le rôle stratégique se trouve renforcé ». Dans cette nouvelle gouvernance du sport le CE considère que « le caractère plus partenarial des relations entre l’État et les fédérations sportives ne doit pas nécessairement aboutir à la suppression de la tutelle, qui constitue une forme de reconnaissance du lien étroit entre le sport et l’intérêt général ».
-> D’où deux propositions du Conseil d’État :
Proposition n°1 :
– Préserver la détermination par le Gouvernement de la politique publique et de la stratégie nationale et internationale en matière de sport de haut niveau, de haute performance sportive et de développement de la pratique sportive pour le plus grand nombre.
– Prévoir la signature par l’État et l’Agence d’une convention d’objectifs inscrivant la mise en œuvre de la politique publique du sport par l’Agence dans le cadre de la stratégie arrêtée par l’État.
Proposition n°2 :
– Préserver l’incarnation de la politique publique du sport au niveau gouvernemental pour asseoir sa prise en compte à l’échelle interministérielle et réaffirmer ses missions fondamentales.
– Réunir dans une instance de pilotage interministérielle les principaux acteurs institutionnels intéressés par la définition d’une stratégie pluriannuelle en matière de politique sportive, afin d’assurer la cohérence et la continuité de leurs actions respectives.
– Renforcer les rôles d’expertise et d’évaluation de la direction des sports.
Quid des CTS ?
Le Conseil d’État (CE) prône de confier à l’Agence nationale du Sport la répartition des Conseillers Techniques Sportifs (CTS) entre les Fédérations mais également de faire évoluer progressivement cette répartition selon des critères objectifs. Le tout en modifiant peu à peu le régime de prise en charge de leur rémunération. Et ce, notamment en accordant à l’Agence nationale du Sport (AnS) les moyens de subventionner cette rémunération auprès des fédérations qui ne pourraient pas l’assumer seules.
-> D’où la proposition du Conseil d’État :
Proposition n°3 : Confier la répartition des CTS entre les fédérations à l’Agence nationale du sport et faire évoluer progressivement cette répartition selon des critères objectifs. Modifier peu à peu le régime de prise en charge de la rémunération des CTS et accorder à l’AnS les moyens de subventionner cette rémunération auprès des fédérations qui ne pourraient pas l’assumer.
Le suffrage direct au sein des fédérations
Démocratisation et responsabilisation : tels sont les deux maîtres-mots qui reviennent dans le discours du Conseil d’État (CE) à propos du mouvement sportif. Et de déplorer que les clubs soient rarement membres de l’Assemblée Générale de leur fédération. En effet, le CE plaide pour que le Président et les instances dirigeantes des fédérations agréées soient élus au suffrage direct par les clubs. Par ailleurs, il s’agirait de limiter à trois le nombre de mandats successifs des Présidents. Dans un autre registre, les fédérations et associations sportives sont priées « d’accroître le niveau de compétence de leurs dirigeants bénévoles dans les domaines juridique, comptable, commercial et numérique par des actions de formation initiale et continue, pour développer leur activité et sécuriser leurs emplois salariés ». Comment ? Notamment par une plus grande mutualisation des ressources et des moyens et un recours accru au mécénat de compétences, ce qui leur permettrait de ne pas grever leurs finances.
Sans compter la nécessité de leur faire bénéficier de dispositifs visant à favoriser l’engagement des jeunes dans la citoyenneté, tels que le service civique et le service national universel. Et ce, afin de compenser la nette diminution du nombre d’emplois aidés.
-> D’où deux propositions du Conseil d’État :
Proposition n° 6
– Prévoir l’élection des instances dirigeantes des fédérations sportives agréées au suffrage direct par les clubs et limiter à trois le nombre de mandats successifs de leurs Présidents.
– Assurer la consultation des représentants des sportifs professionnels lorsque les fédérations prennent des décisions qui les concernent.
Proposition n° 7
– Accompagner la formation des dirigeants bénévoles et des salariés des associations sportives et favoriser la mutualisation des moyens entre ces associations en s’appuyant, par exemple, sur les groupements d’employeurs.
– Promouvoir en priorité, au sein du secteur sportif et dans la perspective des JOP de 2024, le recours aux dispositifs visant à favoriser l’engagement des jeunes dans des actions d’intérêt général, tels que le service civique et le service national universel. Promouvoir auprès des bénévoles expérimentés les dispositifs de formation et de qualification développés récemment.
Les collectivités locales dans la boucle
Plus qu’une redistribution des cartes et des rôles, le CE entend surtout mettre davantage d’huile dans les rouages en régions. C’est pourquoi, à ses yeux, « il ne paraît pas indiqué de revoir la répartition des compétences entre les collectivités territoriales, chacune étant en mesure d’apprécier, dans une logique de subsidiarité, les besoins des pratiquants, en particulier des pratiquants auto-organisés. Il faut en revanche assurer les conditions d’une concertation territoriale permettant aux différentes collectivités d’organiser la compétence sportive en fonction de la situation locale, en s’appuyant sur des projets sportifs territoriaux. »
Pour ce qui est des équipements à bâtir, le Conseil d’État recommande, à des fins pécuniaires, de faire preuve d’un peu de souplesse concernant le cahier des charges, histoire d’assurer la faisabilité des projets : « Eu égard aux coûts que doivent assumer les collectivités territoriales pour assurer le respect de normes édictées par les fédérations sportives, le rôle de la Commission d’examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres) peut être encore renforcé. Il est notamment souhaitable de promouvoir, avec l’appui du CNOSF, la capacité des fédérations nationales à procéder à des adaptations des règles internationales pour tenir compte de contraintes matérielles ou techniques locales. »
-> D’où la proposition du Conseil d’État :
Proposition n°8 : Fonder la gouvernance partagée du sport à l’échelle territoriale sur la cohérence des interventions des acteurs publics, du mouvement sportif et du secteur économique. Organiser la concertation à l’échelle la plus pertinente (régionale, interdépartementale) et formaliser une stratégie et des projets communs, assortis d’engagements financiers, en adaptant et en approfondissant ce qui a été engagé par les régions qui ont élaboré des schémas régionaux de développement du sport.
Alexandre Terrini